De l’insatisfaction conjugale à l’annonce de la rupture
Audet (2006, cité dans Goyer 2012) identifie deux moments-clés avant la rupture: l’érosion et l’évitement. La phase de l’érosion de la relation amoureuse se traduit par une diminution de l’espoir sur l’avenir de la relation. Cette période est caractérisée par des crises et des reproches continuels. Chacun vit un désespoir. Les partenaires ressentent le besoin de prendre une certaine distance. Ils se sentent de plus en plus mal à l’aise en présence de l’autre et ont peu d’espoir sur l’avenir de leur relation.
Lors du stade de l’évitement, les époux continuent à vivre une relation amoureuse qui ne leur convient plus et dans laquelle chacun souffre. L’espoir de la relation est à son minimum. C’est aussi la période où les partenaires utilisent la fuite que ce soit dans le travail, le sport, les amis ou les relations extraconjugales, en plus de voir apparaître des éléments de dépression. Le malaise entre les partenaires est intense.
L’évitement de la fin de la relation peut se faire sur une longue période jusqu’au moment
où l’un des deux conjoints n’en pourra plus de souffrir ou de vivre en colocation dans un climat de tension. Ce stade correspond à un sentiment de perte de son rêve ou de l’idéal de la relation amoureuse pour les deux partenaires (Vinois et al., 2005 cité dans Goyer 2012).
Puis arrive le moment où l’un des deux partenaires fait appel à son courage pour annoncer la rupture. Cette décision est le résultat de son cheminement intérieur. Néanmoins, l’ambivalence l’habite, les doutes le font hésiter. L’individu vit un malaise et ressent très souvent un sentiment d’échec. La personne qui laisse éprouve de la culpabilité, de la peur et parfois de la honte.
L’individu qui est quitté ressent un sentiment de rejet et d’abandon qui est vécu comme une réelle perte de valorisation de sa personne. L’annonce provoque un état de choc et de l’incrédulité. Il y a une réaction brusque et intense du corps en plus de l’état psychologique chez la personne quittée. C’est une réaction instinctive à la menace de perdre l’être aimé.
Conséquences de la rupture amoureuse
La rupture conjugale cause une perte d’identité, de rôle et aussi d’un statut social, en plus de causer une désorganisation qui impacte la personne, sa famille et son réseau. La rupture amoureuse déstabilise la personne sur plusieurs dimensions. Les conséquences économiques et sociales d’un divorce sont également non négligeables et interfèrent avec l’impact psychologique.
Impact psychologique de la séparation et du divorce
Les recherches de John Bowlby ont montré que la perte d’un être cher est une des expériences les plus douleureuses de l’être humain (Fisher, 1994). Quitter un partenaire est une expérience traumatisante pour la plupart des gens. En effet, le divorce arrive au
deuxième rang, après le décès d’un des conjoints, en termes d’évènements stressants au
cours de la vie. Le divorce est également difficile puisque la société a moins tendance à jouer un rôle de soutien dans le cas d’un divorce que d’un décès, alors que les deux impliquent d’une façon identique la perte d’une relation humaine. Cette perte perturbe la sécurité émotive de l’individu, active de vieilles blessures et éveille des peurs profondes.
Un divorce, ce n’est pas seulement la fin d’un couple et la perte d’un conjoint, c’est aussi la perte d’un idéal familial et d’un monde construit à deux. Tout ce qui est a été mis en place comme habitudes, comme manières de faire se trouve bouleversé. Un divorce porte atteinte à l’image, l’estime et la confiance en soi puisqu’il implique un rejet actif et significatif d’une autre personne (Bohannan, 1970 cité dans Alain/Lussier, 1988). Rares sont les personnes qui possèdent une estime de soi capable de résister à une telle épreuve.
L’individu se pose des questions sur son identité (rôles de conjoint et de parent, identité sexuelle, etc.) et sur sa relation amoureuse (capacité d’être en couple, à prendre sa place, à être un bon partenaire). Puis des questions sur sa raison d’être, le sens de sa vie et le rapport entretenu avec sa propre existence (Goyer 2012). Le divorce force la personne à entreprendre à nouveau un travail sur elle : la compréhension de soi, l’acquisition d’un fort sentiment de compétence personnelle et l’habileté à développer une nouvelle relation intime satisfaisante.
Les difficultés d’ajustement sont nombreuses après un divorce car le mariage est trop souvent utilisé comme écran de protection contre le fait de devenir autonome et
indépendant (Bohannan 1970 cité dans Alain/Lussier 1988). Un divorce implique, pour le
traverser au mieux, un travail sur soi et un travail de deuil. L’interruption de l’attachement est la principale source de perturbation intervenant à la suite d’une séparation. Par ailleurs, l’étude d’Alain/Lussier (1988) portant sur un échantillon de 127 divorcés québécois a mis en évidence le rôle de l’attachement émotionnel dans le processus d’adaptation. Elle affirme que l’attachement envers son ex-partenaire est un sentiment qui persiste indépendamment de la période écoulée depuis le divorce. Il est toutefois fortement relié à l’estime de soi. Le sentiment d’attachement est plus élevé chez les répondants qui ont une faible estime de soi.
Les personnes n’ayant pas eu l’initiative de la rupture semblent éprouver un sentiment d’attachement pour leur ex-partenaire beaucoup plus intense que celles ayant été à l’origine de la décision du divorce. Être actif socialement, avoir un nouveau partenaire sont des comportements aussi associés à une diminution du sentiment d’attachement. Un sentiment de contrôle et l’anticipation de la rupture sont des variables corrélées négativement et ceci d’une manière significative. Plus les individus considèrent qu’ils ont joué un rôle au moment de la rupture, c’est-à-dire moins la rupture était inattendue, plus leur niveau d’adaptation est élevé.
Selon l’étude d’Alain/Lussier (1988), le processus d’adaptation des personnes divorcées à leur
nouvelle situation est influencé par une série de variables démographiques, sociales, familiales et de personnalité. Plus le répondant est âgé, plus le mariage a duré et plus il y a d’enfants, plus difficile et lent sera le processus d’adaptation. Par contre, une bonne situation financière, un âge élevé du benjamin et la fréquentation d’un nouveau partenaire sont des variables qui favorisent le processus d’adaptation intervenant à la suite d’un événement majeur comme le divorce.
L’estime de soi semble être un facteur de personnalité qui favorise grandement le
processus d’adaptation. Le fait d’avoir une vie sociale active facilite à la personne divorcée l’apprentissage d’un nouveau mode de vie. Pourtant, les hommes auraient tendance à ressentir plus de désir et d’attirance pour leur ex-partenaire. Les résultats ne font ressortir aucune différence significative d’adaptation au divorce entre les personnes qui ont pris l’initiative de la rupture et celles qui l’ont subie.
Ablasser, Barbara (2018) : Les troubles psychologiques liés à la rupture conjugale et l’apport de l’hypnose dans le traitement de ces troubles.